Pierre Amadieu à Gigondas : la montée en gamme d'une famille et d'une marque
Fer de lance de l'appellation dont elle est le plus grand producteur privé, cette maison fondée en 1929 jongle avec les sélections parcellaires dans son activité de négoce dédiée aux crus du Rhône sud... Tout en conduisant trois propriétés, Romane et la Machotte à Gigondas, et les Hautes Cances à Cairanne : la parfaite illustration de son savoir-faire vigneron.
L'ESPRIT DE FAMILLE
Henri-Claude pour la partie commerciale ; Jean-Marie pour les partenariats avec les fournisseurs, la préparation des vins, l'élevage ; Maguelone, épouse de Jean-Marie, pour les clients particuliers et les salons... Et l'incontournable Pierre qui chapeaute le tout.
"Nous sommes quatre, de la 3ème génération des Amadieu, à travailler ensemble. Mon père et mon oncle ont pris leur place par devoir ; nous, la nouvelle génération, l'avons fait en fonction des affinités et des compétences de chacun. Mais l’unité de la famille demeure : c’est une volonté, celle de toujours préserver la pérennité de la maison Pierre Amadieu".
Comme dans toute bonne saga vigneronne, c'est au grand-père que revient le beau rôle, celui décisif de miser un jour sur la vigne à une époque où la pratique la plus répandue était la polyculture. C'était le cas dans la vallée du Rhône et le petit village de Gigondas n'échappait pas à la règle : on y produisait du vin, de l’huile d'olive, des céréales.
C'est donc à Gigondas que Pierre Amadieu, le grand-père des actuels exploitants, décide à l’âge de 19 ans de commercialiser la production des raisins de son petit domaine familial : la récolte 1928 sera embouteillée. Mais les 7 ha qu’il avait ne produisant pas assez pour faire suffisamment de bouteilles, il s'est lancé dans le négoce. "Depuis le début, il s’est intéressé aux autres appellations. Châteauneuf-du-Pape, Tavel – j'ai retrouvé une bouteille vide (!) de 1945 - et beaucoup de Côtes du Rhône en négoce. Et du Ventoux aussi".
Dixit Pierre Amadieu, le petit-fils, fils de Jean-Pierre, qui a repris le flambeau en 1989. Cet ingénieur agronome (spécialisation viti-oeno) forme aujourd'hui avec ses cousins Jean-Marie et Henri-Claude le triumvirat qui dirige la maison.
L'APPELLATION GIGONDAS AVANT L'HEURE
Pierre Amadieu, le grand-père, développa donc de manière massive la vente en bouteilles. En mentionnant sur les étiquettes de ses Côtes du Rhône– chose inhabituelle à l'époque - le nom de Gigondas... bien avant la reconnaissance de l’appellation en 1971. Il passera sa vie à faire rayonner son village, se démenant comme un beau diable pour faire connaître ses vins. Il décroche une première médaille d'or au Concours général agricole à Paris en 1932...
Très vite, il s’associe avec une agence commerciale, celle de M. Ginoux à Avignon, pour vendre sa production surtout dans le quart sud-est du pays, principalement à la restauration. Cet activisme vigneron portera ses fruits puisque la notoriété de la maison Pierre Amadieu va s'élargir jusqu'à figurer sur la carte des vins du célèbre paquebot France.
DE PLANTATIONS EN REPLANTATIONS
De 7 ha de vignes à Gigondas en 1929 à 137 ha aujourd'hui ! Comment s'est effectuée cette croissance exponentielle ? "Notre grand-père a très vite compris que les partenariats et les fermages qu'il avait mis en place après-guerre ne suffiraient pas à sécuriser la marque".
En 1954, il rachète donc deux propriétés de montagne historiquement liées mais qui n’étaient pas viticoles à l’époque : Romane et la Machotte. De 1954 à 1968, il va avec son fils Jean-Pierre planter et planter... 60 ha de vignes vont ainsi apparaître au pied des dentelles de Montmirail. Pas suffisant pour lui d'autant que la cave coopérative qui s’était construite à Gigondas commençait à absorber une partie des raisins disponibles... En 1974, il profite de l’arrivée dans l'entreprise de Claude, son fils cadet, pour se remettre à planter... 60 ha supplémentaires. "Les vins de la vallée du Rhône commençaient à monter en gamme et les crus du sud autres que Châteauneuf du Pape suscitaient beaucoup d'intérêt. Il s'agissait de répondre à la demande".
Aujourd’hui, avec ses 137 ha de vignes sur Gigondas, la maison Pierre Amadieur est le plus gros producteur privé sur l’appellation. Un tiers de la production revient au domaine, deux tiers sont vendus à la structure de négoce et une petite partie en vrac est destinée à d’autres négociants avec lesquels des partenariats ont été établis.
LA PART BELLE POUR LES CRUS
Mais il n'y a pas que Gigondas. La maison Pierre Amadieu s'est fait une spécialité des crus du Rhône sud, pour mieux s'intégrer dans le réseau traditionnel de distribution : Vacqueyras rouge et blanc ; Vinsobres rouge ; Gigondas (3 cuvées en rouge et une en rosé, provenant toutes des propriétés) ; Châteauneuf du Pape rouge et blanc ; Tavel ; un peu de muscat de Beaumes de Venise ; et Cairanne, en rouge et blanc... "Un gros morceau chez nous maintenant". Qui avait démarré en 2014 avec des achats de raisins et qui culmine aujourd'hui avec l'acquisition en 2019 du domaine des Hautes Cances : 18 ha dont 13 en appellation.
"La maison Pierre Amadieu commercialise en moyenne chaque année 7 000 hl de vin, dont un millier en vrac en fonction des partenariats et 700 000 bouteilles, souligne Henri-Claude qui dirige le service commercial.Gigondas représente grosso modo la moitié des ventes et les Côtes du Rhône un bon quart. Dans le dernier quart domine le Cairanne". Le fils aîné de Jacques a intégré la maison après des études supérieures de commerce et divers projets dans le monde de l'économie avant de s'intéresser au vin. Il explique que le marché bouteilles, qui s'effectue exclusivement sur les réseaux traditionnels, est bien bien équilibré entre la France et l'export :
Bénélux, Allemagne, Suisse, Scandinavie, Canada..."Partout, avec les 5 principaux vins du domaine auxquels nous avons rattaché Cairanne, nous avons une légitimité que vient compléter l'aspect négoce".
LE BIO S'INSTALLE
Pierre Amadieu, le grand-père – était un écolo dans l'âme. Peut-être sans le savoir. Un homme de bon sens en tous cas. Au tout début quand il a démarré, il avait plus de 1 000 moutons qui venaient paître en hiver dans les vignes. Longtemps oubliée, cette pratique a repris sur certaines parcelles pour une bonne et simple raison : le passage en bio !
"Dans la partie plaine plus facilement mécanisable, la conversion a été amorcée il y a plus de 20 ans. Dans les coteaux, nous avons attendu jusqu'en 2020, après le covid. En apportant du compost, en remettant les moutons en hiver et en essayant de refaire de la fumure" décrit Jean-Marie, le fils cadet de Jacques, qui a rejoint la maison en 1995. Lui aussi est ingénieur agronome et oenologue de formation. Il gère les vinifications et les assemblages, tout en surveillant ce qui se passe dans les vignes. "A priori, tous nos vignobles serons certifiés pour le millésime 2023". Ce qui ne signifie pas que tous les crus commercialisés par Pierre Amadieu porteront le fameux logo : "Les raisins que nous achetons ne sont pas encore tous bio".
Jean Calabrese
Maison Pierre Amadieu, 201 route des Princes d'Orange à Gigondas
Téléphone : 04 90 65 80 33. Courriel : contact@pierre-amadieu.com